Sens & Tonka
LETTRE À GUY DEBORD [1960]
“Guy,
Merci pour documents de l’I.S. et ouvrages de Henri Lefebvre, d’une importance vitale pour moi ici. Est également important pour moi de correspondre avec toi, “parce que les interlocuteurs valables sont tout de même encore rares”. Mais j’énumère tout de suite les difficultés : Trop sommaire une correspondance facilite les malentendus les plus nuisibles ; [...] Une différence radicale entre circonstances, ambiances, situations et problèmes risque de nous faire, toi à Paris et moi à Montréal, écrire pour nous entendre des lettres “non-averties”, un non-sens que seules une certaine bonne volonté et une objectivité “en soi” peuvent éviter. Il vaut cependant la peine d’essayer de correspondre. Décidément.“[...]
Début de la lettre (inédite) de Patrick Straram à Guy Debord. Suivi d’une lettre (inédite) de P. Straram à Yvan Chtcheglov (1959).
HANNAH ARENDT CONTRE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ?
Selon l’opinion du jour, Hannah Arendt serait connue et reconnue pour avoir élaboré une des grandes philosophies politiques du temps présent. Cette appréciation n’a-t-elle pas pour défaut d’occulter l’hostilité déterminée de Hannah Arendt à ce qu’il est convenu d’appeler « philosophie politique » ? Hannah Arendt n’a-t-elle pas explicitement avoué qu’elle prenait toujours soin de mentionner l’opposition qui existe entre philosophie et politique ? De là, sinon l’ouverture d’un réquisitoire, tout au moins la mise en lumière de ce qui fait obstacle à une fusion harmonieuse entre philosophie et politique. De là, un jeu complexe entre la critique du platonisme et l’exception kantienne. La question est donc : faut-il canoniser Hannah Arendt ou bien laisser entendre la voix dérangeante de « l’enfant terrible » de la pensée politique ? Bref, quel est le ton de la politique ?
CRITIQUE DE LA POLITIQUE
- Sous la direction d'Anne Kupiec et d'Étienne Tassin -
Critique de la politique met en évidence les apports et les innovations décisives de la philosophie critique de la domination qui constitue le cœur d'une philosophie ouverte par Miguel Abensour.
SUR LA PSEUDO-CONCRÉTUDE DE LA PHILOSOPHIE DE HEIDEGGER
– RÉÉDITION –
En France, Heidegger passe pour « le plus grand philosophe du xxe siècle ». Sectateurs et coryphées sont innombrables, ainsi les rares voix discordantes sont vite réduites au silence. Quand le roi Heidegger passe dans la rue, la foule se prosterne. Soudain, au milieu de ce silence religieux, Günther Anders s’écrie : "Le roi est nu !"
Traduit de l'Anglais par Luc Mercier.
LA VEUVE BLANCHE ET NOIRE UN PEU DÉTOURNÉE
Né à Paris en 1934, mort à Montréal en 1984, Patrick Straram fut en 1953 l’un des principaux membres du groupe Internationale Lettriste aux côtés de Guy Debord et d’Ivan Chtcheglov. Il quitte le mouvement un an plus tard, par solidarité, lorsque Debord exclut Chtcheglov du groupe d’avant-garde.
La Veuve blanche et noire un peu détournée est un roman d’apprentissage racontant l’éducation sentimentale du jeune Straram âgé de dix-huit ans par une femme de vingt ans son aînée. Il fait de cet épisode mineur, longtemps ressassé, la clé de son indépendance intellectuelle et affective. Cette œuvre autobiographique peut également être comprise dans le sillage des pratiques lettristes puisqu’elle fait un usage constant de “détournements”.
SITUATIONS CONSTRUITES
« Était situationniste celui qui s’employait à construire des situations », depuis 1998 tout le monde c’est ce qu’être situationniste puisque tant et tant de gens adhèrent à la « construction de situation »... sans bien en avoir dosé les conséquences... Jean-Louis Violeau n’isolant pas le mouvement situationniste (à l’inverse des épigones) nous permet de mieux juger de l’époque, forte en ébullition, et, ainsi de mieux jauger la position de l’Internationale situationniste et nous permettre d’apprécier ce que doit dans l’actualité présente à ces passés. Cette nouvelle édition est augmentée d’un avant-propos, “L’imaginaire urbain de Guy Debord”, qui conclu la pensée de notre auteur en renvoyant à Debord sa conclusion d’In girum imus nocte et consumimur igni : “reprendre depuis le début”, à toutes fins utiles. H. T.
TREIZE FOIS MOI
Les créations d'autrui considérées comme un libre-service culturel… Une conception à laquelle adhère ouvertement l'écrivain à l'œuvre derrière douze prête-noms, mais qui, au fur et à mesure qu'il compose son florilège et se reflète dans tant de miroirs divergents, en vient à s'interroger sur sa propre personnalité.
DE LA CONFÉRENCE DES NUAGES
Sur fond de guerre (peut-être 14-18, ses tranchées et champs des martyrs) les hommes, un homme, la mort, la mort, parmi les corps éparpillés, les consciences éclatées comme des cervelles parfumées à l'odeur de la poudre
L'ART DE NE PAS SE SOUVENIR
Le souvenir dit la perte impossible. – L'enjeu : la disparition. – La mémoire volontaire fait croie à l'indescriptible. – L'enjeu : l'insupportable.
L'art de ne pas se souvenir, qui se fraie un passage tortueux de l'oubli, déjoue l'inertie de la pensée hantée par l'arrière mental : l'origine, la mauvaise conscience, l'image fixe, l'ordre.
Faire sauter le verrou mental que constitue la mémoire doctement entretenue.
LE SECOND JOUR
Le second jour, c'est celui qui naît et se déploie entre la lampe et la page, et qui dure invisiblement dans la clarté ambiante de la journée; c'est le lieu où demeure celui qui écrit.
Le second jour, c'est également une autre journée, un autre temps, en regard d'un jour initial et oublié, où les choses ont été ressenties pour la première fois dans la fraîcheur muette de leur apparition, encore dépourvues des noms qui leur seront donnés le second jour — désormais perdues à jamais, oubliées elles aussi, mais reconnues, retrouvées, réinventées à travers le langage et l'écriture.
Ne faut-il pas nommer "poésie" la parenté énigmatique qui, en dépit de leur étrangeté foncière, met en résonance la parole et le monde, les langues et la réalité qu'elles appellent, et relie toute image à d'autres images dans le miroir sans fin de la ressemblance?
Les textes réunis dans Le second jour s'y succèdent dans l'ordre chronologique inverse de leur composition. À partir des motifs de l'image et de la ressemblance qui trament et organisent la première partie du livre, le lecteur est reconduit vers ceux du signe et d'un oubli antérieur à toute parole.