Henri-Pierre Jeudy
L'IMAGINAIRE DES ARCHITECTES
Comment les architectes sont-ils en mesure de penser le futur d’une ville ? Quand on sait combien aujourd’hui la puissance des patrimoines gouverne la métamorphose urbaine, force est de constater que l’imaginaire des architectes se mesure plutôt à la fiction du vide et que celle-ci leur est essentielle pour augurer du possible. Confronté aux impératifs d’un cahier des charges, l’imaginaire de l’architecte est limité par des nécessités qui lui imposent les figures incontournables de la réalité, ou tout du moins d’une certaine réalité. Ce sont les règles du jeu à partir desquelles s’exercera sa liberté de création. Prenant toutes les précautions techniques pour l’accomplissement de son œuvre, l’architecte anticipe l’avenir, et tente d’affirmer ses intentions de visionnaire. Est-ce sa capacité singulière d’anticipation qui lui donne l’assurance de sa griffe internationale ? Plus que jamais, il faut que l’architecte représente à lui seul, par ses interventions sur la ville, une idée du futur, de ce que pourrait être « la cité de demain ».
UN SOCIOLOGUE À LA DÉRIVE
La sociologie d'aujourd'hui ne connaît plus d'aventure. Elle ne court plus de risque. Elle se retranche derrière son académisme universitaire qui lui donne sa légitimité scientifique. Cette chronique de la vie quotidienne dans un village de Champagne est l'expérience originale d'un sociologue qui refuse les modèles conformistes d'interprétation des phénomènes de société. Il construit avec les gens le récit de ce qu'ils vivent ou de ce qu'ils ont vécu. Ce village est devenu célèbre depuis que France culture fait des émissions avec les habitants en prenant leurs réflexions pour un reflet de ce qui se passe dans le monde contemporain. Comment une si petite communauté peut-elle idéaliser sa joie de vivre avec tant d'humour ?
CRITIQUE DE L'ESTÉTIQUE URBAINE
La ville excède la représentation que chacun peut en avoir. Elle s'offre et se dérobe aux manières dont elle est appréhendée. Le blanchiment des monuments, de ces édifices urbains qui figurent l'histoire de la ville et son inscription dans le temps, ne fait que consacrer le pouvoir de l'uniformisation patrimoniale. Ce qui est décrété publiquement signe de la laideur, en prenant valeur patrimoniale, s'impose quelque temps plus tard, comme un symbole de la ville. Au rythme de notre étonnement, de notre enthousiasme ou de notre désapprobation, nous construisons de façon imaginaire de la ville dans la ville qui nous est donnée à voir ou que nous habitons. Si la ville permet une telle aventure de l'imagination, c'est dans la mesure où ce qui s'expose d'elle démontre aussitôt sa capacité d'absorption du nouveau. » H.-P. J.
L'IRREPRÉSENTABLE
« Confrontée à l'arbitraire de l'interprétation, la compréhension est une mise en abyme de la représentation. Tel un présupposé de la richesse des intentionnalité et de la mouvance des affects, ce qui n'est pas représentable sert de garde-fou contre le pouvoir de modèle d'interprétation. Mais la volonté d'interprétation l'emporte parce que, selon Schopenhauer, la représentation nous délivre de l'ennui. Le spectacle du monde et de la vie nous distrait en nous entrainant dans le vertige de l'interprétation. Croire qu'il est toujours possible de se représenter les sentiments que nous éprouvons, les passions que nous vivons, est une manière de conjurer l'angoisse existentielle que le fait d'être agi ou de pâtir provoque ». H.-P. J