Sens & Tonka
ARCHITECTURES DE SIMONE ET LUCIEN KROLL
"J'ai travaillé sur les tableaux des bâtiments de Lucien Kroll en relisant son livre Tout est paysage. Son concept d'intégration relève d'une économie de l'espace qui est aussi celle de mes tableaux : un rapport du paysage de l'extérieur vers l'intérieur, et inversement." Y.B.
ORDRE ET DÉSORDRES
« C’est obstinément le même but que mon atelier poursuit, à travers les diverses missions qu’il a pu réaliser : déstabiliser les certitudes qui font les architectes héroïques, démontrer qu’un milieu aimable ne peut se constituer qu’en dehors des schémas d’autorités et que les outils modernes (organisation méthodique, industrie du bâtiment, informatique, etc.) peuvent être utilisés à produire des milieux diversifiés. » L. K.
ORGANISATION, ANTI-ORGANISATION
– Réédition –
« Hautaines, arrogantes, les organisations codifient, quadrillent, centralisent. Du haut de leur puissance, elles dominent le corps social, y inscrivent leur logique et leur ordre. Elles sillonnent l’espace et le temps et ne laissent apparaître aucune zone ouverte où l’évasion soit encore possible. Si nous ne détruisons pas les organisations, elles nous briseront définitivement. Disloquer l’organisation, c’est briser les champs qu’elle innerve et nourrit, c’est inventer un temps et un espace autres, c’est dissoudre les formes de l’équivalence qui nous enserrent et nous emprisonnent, pulvériser le système de signes qui rend la vie monnayable sous forme de salaires et de marchandises, revendiquer un temps sans mode ni plein emploi. Aussi longtemps que subsistera la logique du sacrifice, l’organisation se renforcera ; elle s’écroulera comme un château de cartes, lorsque nous refuserons l’épargne de la jouissance au nom des objectifs planifiés ou des objets consommables. » Y.S.
IL ÉTAIT UNE FOIS LA PLUS-VALUE
Il était une fois la plus-value ou l’ironie du travail [règlement de comptes] dessiné en 1971 (année d’Il était une fois la révolution de Sergio Leone), parut en 1972. L’époque n’était pas encore à la mode du roman graphique ni à la BD littéraire. Il n’existait que quelques détournements de dessins de bande dessinée mettant en scène une apostrophe lorsque Isabelle Auricoste entreprit de mettre en image un court texte de Karl Marx, conversation du Capitaliste avec le Prolétariat, qui, ni l’un ni l’autre, n’ont leur langue [de bois] dans la poche, afin de faire avancer la théorie par cette manière alors peu usitée.
L'ENVERS DE L'ENDROIT
"Étrange livre ! On ne cherchera pas ici un manuel de jardinage, ni même une leçon de paysage, mais bien plutôt une leçon de vie, de vie de l’esprit pendant toute une vie. Malgré la modestie de son volume, L’Envers de l’endroit est la trace d’une longue navigation qui a mené son auteur à travers les continents de l’art et de la science, avant et pendant un destin de jardinier. Peinture, photographie, cinéma, d’un côté, médecine, botanique, ornithologie, horticulture, de l’autre, telle fut la formation hautement diversifiée d’Alain Richert, mais la palette des connaissances convoquées ici pour comprendre et œuvrer au jardin est encore plus large." (Claude Eveno)
LE CAS TRAWNY
Michèle Cohen-Halimi et Francis Cohen
Edgar Poe nous l’a appris, le meilleur moyen de dissimuler est d’exhiber ce que l’on veut soustraire à la lecture. On pourrait nommer le dispositif de “la lettre volée” l’entreprise qui consiste à dévoiler publiquement l’antisémitisme de Heidegger en éditant son journal de pensée, les Cahiers noirs, pour mieux empêcher cet antisémitisme de se plier aux conditions usuelles, c’est-à-dire historiques, politiques et morales, de sa compréhension. Heidegger est d’autant plus montré comme antisémite que son antisémitisme est soustrait à l’antisémitisme.
M. C.-H. & F. C.
L'AGONIE DE LA PUISSANCE
L’Agonie de la puissance réunit trois variations de textes de Jean Baudrillard écrits à l’occasion de conférences prononcées au cours des années 2005 et 2006. Ces textes, qui ont un fonds commun (l'hégémonie du Bien, la "terreur blanche"...) permettent de saisir les interstices, les subtilités de la pensée de l’un des grands penseurs de notre époque.
ON L'APPELAIT RÉVOLUTION...
Le sommeil de la raison engendre des monstres, nous dit Goya, et il nous montre le dormeur prisonnier de ses cauchemars. Rien de comparable pourtant au sommeil de la mémoire qui permet à des monstres autrement dangereux de hanter notre histoire en se coulant dans des formes familières. Ces figures de l’oppression du passé, héritières des régimes totalitaires, n’hésitent pas à détourner la mémoire de ceux qui se sont opposés à leur entreprise, à se parer de leur nom, à contrefaire les rôles pour abuser le regard et les esprits.
C’est surtout la révolution qui, dans le monde contemporain, apparaît comme la négation radicale de ce qu’elle a représenté pour les exploités et les penseurs quand ils luttaient pour réaliser une société d’où les rapports de domination et de servitude auraient été bannis. Si bien que rendre au mot son véritable sens, faire en sorte que l’expression corresponde à la chose, voilà qui serait rien moins qu’une... révolution.
Il s’agit, ici, de percer le “mystère d’iniquité” qui consiste à changer chaque parole de l’émancipation en son contraire.
LA CATHÉDRALE DE LA MISÈRE ÉROTIQUE
Kurt Schwitters, oscillant entre constructivisme et Dada, est “le” grand artiste de l’avant-garde allemande. De 1922 à 1937, il construit, dans son immeuble à Hanovre, une “colonne” appelée Cathédrale de la misère érotique ou Merzbau (construction merz) œuvre-phare à l’architecture stupéfiante, exceptionnelle, unique dans l’histoire de l’art, qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste (collages, peintures, assemblages, poèmes, typographies).
Le destin de K. Schwitters fut brisé par l’exil quand il dut fuir le nazisme. Il mourut en Angleterre en 1948, après avoir recommencé la construction de sa colonne par deux fois.
ÉLOGE DE LA DÉPENSE
Avec une postface de Yann Diener
La dépense n’a plus bonne presse. Désormais, tous les partis politiques s’en défendent pour conduire au mieux une politique d’austérité ordonnée par la crise européenne. Parallèlement, les messages publicitaires et les injonctions médiatiques engagent l’individu à se dépenser sans limite et à consommer — quitte à culpabiliser. Il y aurait donc un double mouvement, une schizophrénie moderne entre dépense publique et dépense privée, entre économie générale et économie psychique. Pourtant, la politique d’austérité dévoile un même idéalisme néfaste pour l’ensemble du corps politique. En prenant appui sur la pensée contemporaine, cet essai explore les problématiques actuelles de la dépense dans la parole publique et ses conséquences sur la place du citoyen. L’ambition est de mettre à jour les rapports physiques et symboliques qui lient l’austérité politique à l’ascétisme individuel dans une même morale de la production, pour pouvoir redonner à la dépense toute sa valeur subversive.